Journée d’études organisée dans le cadre du cours universitaire « Sociality and Subjectivity » de la Faculté des humanités de l’Université Charles de Prague, programme Erasmus Master Mundus EuroPhilosophie, et dans le cadre du projet de recherche « Relevance of the Subjectivity » de l’Académie des sciences de la République tchèque mené à bien par le département de philosophie continentale contemporaine de l’Institut de philosophie.
Lieu de la journée d’études : Academical Conference Center, Husova 1, Prague 1
Dates : 23 avril 2013 de 16 à 18 heures et 24 avril 2013 de 9.30 à 19 heures
Argumentaire
Le projet philosophique de Levinas peut être caractérisé dans son ensemble comme une phénoménologie de la socialité. Socialité qui, en tant que non-indifférence originaire – ou plus précisément anarchique – du sujet à l’altérité d‘autrui, est à distinguer du social au sens courant du terme, avec ses lois et ses institutions qui supposent l’autonomie de chacun, la liberté, l’égalité, la tradition, l’Etat.Or, anarchique ne veut en aucune façon dire anarchiste puisque tout l’effort de l’utopie levinassienne de l’humain (l’utopie ne signifiant pas un autre lieu possible, mais un non-lieu) consiste précisément, tout en prenant acte de l’effectivité de l’écart entre éthique et justice, à penser cette socialité anarchique d’une certaine façon dans le social rationnel (qui implique l’Etat comme l’une de ses formes universelles), en d’autres termes, à la penser „au-delà du social dans le social“. Qu’autrui soit toujours le premier venu ne signifie pas qu’il ne soit pas „impliqué depuis longtemps dans le tissu de mes relations sociales“ (Autrement qu’être, Le Livre de Poche, p. 138).Car ne pas chercher à articuler la socialité anarchique avec le social, bien que cela ne puisse se faire qu’au prix d’une trahison, et Levinas le dit lui-même, serait frôler le nihilisme (cf. Humanisme de l’autre homme, Le Livre de Poche, p. 123). Et, inversement, ramener toute socialité au social signifierait annuler le beau risque de l’infini anarchique, d’où la critique lévinassienne des sciences humaines.
Il semblerait donc qu’il faille à la fois tenir cette dichotomie et la dépasser. Ainsi pouvons-nous nous demander: l’affirmation et le dépassement de cette dichotomie se fait-il au même niveau, sur le même plan? À quel moment intervient la philosophie et en quoi son approche de la socialité diffère-t-elle de celle des sciences humaines ou de la littérature, par exemple? Existe-t-il une solitude (cf. l’authenticité du Dasein heideggerien) qui précède toute socialité? Puis, au niveau de la socialité, peut-on envisager différents „degrés“ de socialité à partir de la „socialité à deux“ (Le Temps et l’Autre, PUF, p. 14), en passant par l’entrée du Tiers, la fraternité, la communauté, la collectivité, l’Etat, le genre humain, jusqu’à l’indifférence et la neutralité du social – ce „quelque chose de plus que la somme des individus et supérieure à l’individu“ (De l’existence à l’existant, Vrin, p. 161) – tel que le conçoit la sociologie? Qu’apporte à cette question des „degrés“ de socialité une attention toute particulière au phénomène érotique chez Levinas et dans la nouvelle phénoménologie en France? Et, enfin, cette socialité „qui est plus que l’humain“ (Altérité et transcendance, Le Livre de Poche, p. 108 et ss.) est-elle exclusivement humaine?